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Histoire des arts dans l’académie de Lyon
L’enseignement de l’histoire des arts dans les établissements de l’académie de Lyon

L’enseignement de l’histoire des arts dans les établissements de l’académie de Lyon : de l’épreuve au D.N.B. aux options proposées au Lycée.

La parole collective dans la littérature et dans les arts
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Formation organisée par l’institut français de l’éducation sous la responsabilité de Martine Marzloff.
Mercredi 3 et jeudi 4 avril 2013, IFÉ – CERCC de l’ENS

Intervention de Cyril Vettorato, ATER à l’ENS de Lyon :

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Cyril Vettorato évoque l’importance de la parole collective en Afrique. En effet, dans le monde africain, entité désignant l’Afrique mais aussi toutes les parties du monde où les cultures africaines ont eu un impact, on dit plus souvent « nous » que « je ».
Nous pouvons évoquer Léon-Gontran Damas qui fut cité lors d’une allocution devant l’assemblée par Madame Taubira, Garde des Sceaux :

Léon–Gontran Damas (1912-1978, guyanais), « Nous les gueux »(1956) :

NOUS LES GUEUX
Nous les peu
Nous les rien
Nous les chiens
Nous les maigres
Nous les nègres

Le nous ne va pas de soi, c’est un choix, une volonté d’établir un rapport avec le public. La parole performative est présente dans les cultures africaines traditionnelles pour lesquelles, dans une conception animiste, la parole collective permet de prélever et de rediffuser l’énergie vitale du monde.

La parole collective postcoloniale peut être représentée par Ernest Pépin, poète guadeloupéen, qui réalisa une performance lors d’un festival de poésie en Colombie.

Vidéo

Ernest Pépin (né en 1950, guadeloupéen) « Toujours nous avons dansé » (1991) :

Toujours nous avons dansé
Toujours nous avons dansé nos chaînes
Préserve ô tam-tam les narines de la terre
Tessons de cœurs brisés

Cette parole performative n’est pas là pour maintenir l’ordre du monde, mais pour changer cet ordre. Le nous devient utopique, Ernest Pépin imagine une communauté qui n’est plus.

L’inclusion du public à l’acte performatif, la parole vécue comme collective ont eu des effets dans les pratiques artistiques occidentales au XXe siècle.

Dans son ouvrage,  L’art au large , Flammarion, 2012, Jean-Hubert Martin, nous dit que « le succès des performances, du happening, et des installations doit beaucoup à la fascination qu’ont exercée sur les artistes la découverte et l’étude des modes de vies et des rites des sociétés non occidentales ».

Intervention de Roland Meneguz, chef de chœurs de la chorale Buxtehude :

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Roland Meneguz commence par s’interroger sur la différence entre le chœur et la chorale.

Dans l’Antiquité le chœur se tient en avant et en dessous de la scène, donc séparé. Il est un personnage collectif souvent incarné par des vieillards, c’est-à-dire des personnes qui possèdent la sagesse mais qui n’ont pas la capacité d’agir.

Avec la naissance de l’Opéra à la fin du 16e siècle, le chœur se retrouve sur la scène, il n’a donc plus une relation aussi forte avec le public, il perd son rôle d’intermédiaire. En 1607, Monteverdi dans son opéra Orféo , confie au chœur la conclusion de son opéra.

Chez Mozart les chœurs ont un rôle très réduit. Le chœur s’intègre de plus en plus à la scène et perd ainsi sa spécificité.

Le chœur des cigarières dans Carmen de Bizet (1875) ne délivre aucun message. Le fil dramatique peut très bien, désormais, se passer du chœur comme dans Nabucco , de Verdi (1842) où ce dernier ne fait que renforcer la trame narrative.

Dans une chorale, la parole collective peut être burlesque (le french cancan, La vie parisienne , Offenbach, 1866), inconsciente (Sardou, La maladie d’amour , 1973), folklorique (la danse de Zorba, dans le film Zorba le Grec , Cacoyannis, 1964), religieuse, ou cathartique ( Chaque jour de plus , Fugain, 2008).

Comment peut-on relier la pratique chorale avec le choeur antique ? Chœur ou chorale, cela dépend du répertoire, du contexte, du dispositif scénique.

Intervention de Valérie Naudet, professeur de littérature du Moyen Âge à l’université d’Aix-Marseille et responsable du CUERMA.

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Valérie Naudet nous propose une approche de la parole collective dans la littérature médiévale.

La chanson de geste du XIIe siècle est un texte qui se goûte en collectivité. Il s’agit d’un poème épique qui a une fonction commémorative. Dans ce type de texte, on peine à inscrire la parole collective.

Texte de la Chanson de Rolland

À partir du XIe siècle, les expéditions en Terre Sainte pour libérer le tombeau du Christ sont aussi l’occasion d’une rencontre avec l’infidèle, celui qui est totalement autre.

Qui sont les chœurs dans la chanson de geste ? Il y a une structure en cercles concentriques, le nous désigne le seigneur autour duquel se déploient les différents cercles formés par les membres de sa famille, puis par ses vassaux, et enfin par ses domestiques.

Les chœurs ce sont eux c’est-à-dire tout ce qui n’est pas nous , l’occasion d’une rencontre de l’altérité.

La parole du roi, tout comme la parole du poète est la seule capable d’interpréter les signes, la parole collective quant à elle a une fonction de célébration et de traduction. La parole collective peut être celle des vilains, des charbonniers, des infidèles, des sarrasins…

Vers la fin du XIIe siècle, le chœur adoptera une certaine liberté de ton. Peut-être peut-on voir dans ce phénomène l’émergence d’un individu sous couvert d’une parole collective ?